Pop anglaise des sixties

L'Histoire du Rock :

 

 

Les années 90

 

 

LE ROCK A UN TOURNANT DE SON HISTOIRE (DEPUIS 1991)...

 

 


      De nouveau mis à mal par l'intrusion de l'argent et une médiatisation à outrance, le rock a parfois perdu son âme et s'est souvent caricaturé au cours des années 1980. Toutefois, une fois encore, le renouvellement permanent des artistes et des tendances s'est avéré salutaire. À l'aube des années 1990, le rock doit faire face à un nouveau défi : comment garder son identité face à la multiplication de ses formes d'expression.
Noisy pop, no wave et grunge : le rock teste ses limites.

 

Nirvana


       La parution du Nevermind de Nirvana en 1991 éclabousse le monde du rock par sa violence — à la fois latente et explosive — et sa spontanéité. Promu chef de file du mouvement grunge, le chanteur Kurt Cobain symbolise malgré lui le cynisme et le désespoir de la Generation X (enfants du mouvement hippie résignés et profondément déçus par la société moderne) ; « adopté » par les médias, qui jugent son image parfaitement en phase avec son temps, il met fin à ses jours en 1994, au faîte de sa gloire, en signe de refus d'une éthique de vie réfutant toute véritable liberté individuelle et détruisant inexorablement tout anticonformisme. Sur les traces de Nirvana et du label Sub Pop, des groupes tels que Mudhoney (Every Good Boy Deserves Fudge, 1991), Smashing Pumpkins (Siamese Dreams, 1993), Soundgarden (Superunknown, 1994), Alice in Chains (Jar of Flies, 1993) ou encore Pearl Jam (Vs., 1993) contribuent à la consécration d'un mouvement dont les influences — revendiquées — ont pour nom Iggy Pop et Neil Young.

 

Mudhoney                          Smashing pumpkins                          Soundgarden


      Parallèlement, la noisy pop (ou « pop bruyante ») apparaît en Angleterre, emmenée par My Bloody Valentine (Loveless, 1991), Slowdive (Souvlaki, 1993), Ride (Nowhere, 1990) ou Lush (Spooky, 1992), soit autant de formations marquées par l'approche radicale adoptée par The Jesus and Mary Chain dès 1985 (Psychocandy) ; enveloppées par des « murs » de guitares fuzz saturées à l'extrême, les voix et les mélodies se frayent difficilement un chemin au cœur d'un puissant tourbillon sonore. Aux États-Unis, le groupe Sonic Youth (Washing Machine, 1994), figure de proue de la no wavee (littéralement « pas de vague », expression utilisée en réponse ironique à la new wave), se plaît à martyriser les sons et à manipuler les canons du rock en les déviant de leur trajectoire naturelle.

 

Slowdive                          Ride                          Sonic youth


La brit pop ou le retour aux sources


      L'histoire du rock est jalonnée de disparitions, de transformations et de renaissances. La brit pop (ou « pop britannique ») en est l'une des illustrations les plus emblématiques : influencées par la pop des années 1960 (Beatles, Kinks) autant que par la new wave du début des années quatre-vingt, profitant par ailleurs d'importants progrès technologiques permettant de recréer d'anciennes sonorités à l'identique ou d'en développer de nouvelles, des formations telles que Oasis (Definitely Maybe, 1994) ou Blur (Parklife, 1994), fers de lance d'un mouvement apparu au début des années 1990, The La's, The Stone Roses, The Auteurs, The Charlatans UK, Supergrass, James, Suede, The Verve ou Radiohead obtiennent un succès considérable, créé et stimulé pour partie par la presse musicale britannique, très friande de nouveautés et de sensationnalisme.
Rap et techno : le rock en cours de désintégration ?

 

Oasis                                                          Blur

 

Supergrass                              The verve                              Radiohead


      Sortis de leurs « ghettos » musicaux respectifs à la faveur d'une reconnaissance critique et populaire, le rap et la techno poursuivent au cours des années 1990 leur maturation et leur infiltration du rock ; l'électronique en est le principal véhicule. NTM, IAM et  MC Solaar offrent au rap français sa légitimité dans le paysage musical hexagonal, tandis que des formations visant un plus large public tissent des liens avec la musique pop. De même, aux États-Unis, les Beastie Boys ou Rage Against the Machine se refusent à toute récupération par un « camp » ou un autre et pratiquent avec bonheur une fusion (explosive) des genres.

 

Beastie boys                                                    Rage against the machine


      La scène électronique française (ditte french touch), emmenée par des figures telles que Laurent Garnier (30, 1997), Daft Punk (Homework, 1997) ou Air (Moon Safari, 1998), est reconnue hors des frontières nationales pour sa capacité à assimiler et à remodeler avec originalité des influences aussi disparates que le disco, la new wave ou encore Burt Bacharach et le easy listening. The Prodigy (The Fat of the Land, 1997), The Chemical Brothers (Dig your Own Hole, 1997) ou Underworld (Beaucoup Fish, 1999) tentent quant à eux, en Grande-Bretagne, d'associer des rythmes techno à des orchestrations et des arrangements rock (présence de guitares, alternance de couplets et de refrains, etc.).


Le rock face au défi des nouvelles technologies


      Le rock des années 1990 est également marqué par un vent de nostalgie dont profitent des formations et des genres « démodés » et oubliés depuis de nombreuses années ou considérés. Après les années 1960 et 1970 remises à l'honneur au cinéma (The Doors d'Oliver Stone, 1991) ou par l'industrie du vêtement, les années 1980 — la new wave et sa branche synthétique notamment — bénéficient d'un retour en grâce orchestré selon un processus immuable articulé autour de compilations-hommages.


      À l'instar du jazz et de la musique classique, le rock est également confronté à la délicate question de la diffusion et de l'accès à la musique sur Internet. La multiplication des sources (gratuites pour la plupart jusqu'à présent) implique en effet une redéfinition de la rémunération des auteurs-compositeurs et interprètes. Certains artistes — David Bowie et Daft Punk en tête — proposent des morceaux en ligne, toutefois l'ensemble des catalogues des grandes maisons de disques (Universal, Sony Music, EMI, Warner, Virgin, BMG) n'est pas disponible.


      En termes de création musicale, les nouvelles technologies révolutionnent l'écriture rock proprement dite, comme en témoigne par exemple l'album Kid A (2000) de Radiohead, parfaite illustration du traitement « moderne » réservé aux canons du rock. De même, l'approche minimaliste et « intellectuelle » des formations et artistes appartenant au courant post-rock (Tortoise, Labradford, Mogwai, Mark Hollis, David Sylvian, etc.), apparu pendant la seconde moitié des années 1990, montre dans quelle mesure le rock peut aujourd'hui encore, cinquante ans environ après la découverte d'Elvis Presley dans un petit studio du sud des États-Unis, revendiquer son identité et sa légitimité en tant que genre musical, certes éclaté, mais vivant.