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L' Histoire du Rock:
Les années 60
DE LA RIVALITE POP/ROCK AU MOUVEMENT HIPPIE (1963-1970)...
Malgré les craintes et les réticences, l'onde de choc provoquée par le rock and roll dans la culture occidentale d'après-guerre ne peut être ignorée, puisqu'elle traverse rapidement l'Atlantique ; parvenue sur le Vieux Continent, et notamment en Angleterre, la musique rock connaît pendant les années 1960 la période la plus faste de son histoire, l'année 1967 - couronnée par les premiers albums des Doors et de Jimi Hendrix, le Sergeant Pepper's Lonely Heart's Club Band des Beatles et la « réponse » des Rolling Stones, Their Satanic Majestic Request - constituant l'acmé de cette profusion artistique jamais égalée depuis.
L'émergence des groupes : l'opposition Beatles / Rolling Stones
Si l'Amérique tente, au début des années 1960, par l'intermédiaire d'artistes privilégiant des harmonies vocales délicates et suaves tels que Ray Charles ou les girl groups (littéralement « groupes de filles »), de contrer la montée en puissance d'une musique encore marginalisée - des personnalités telles que Joan Baez (Joan Baez, 1960), Joni Mitchell ou Bob Dylan, représentants du courant folk, parvenant tout de même à faire entendre leurs voix très personnelles -, l'Europe connaît en revanche l'avènement de petites formations - guitare, basse et batterie sont désormais préférées aux cuivres et aux claviers - au sein desquelles l'électricité domine, insufflant par là-même une agressivité nouvelle au rock and roll devenu rock, soit une musique moins axée sur la danse et perdant de son rythme.
En France, les Chaussettes noires et les Chats sauvages sont les premières « idoles », notamment auprès des jeunes particulièrement à l'écoute d'une attitude et d'un message parfaitement en phase avec leurs aspirations progressistes.
En Angleterre, dès 1963, la rivalité musicale et culturelle opposant les Beatles aux Rolling Stones (dont le premier album date de 1964) éclipse tous les autres groupes alors en activité ; le rock y trouve en effet l'incarnation parfaite et l'affirmation de deux courants - « pop » et « rock », au sens d'une musique plus agressive - arbitrairement mis en opposition et qui progressivement se sont rejoints puis éloignés l'un de l'autre, l'antonymie n'ayant plus véritablement de raison d'être aujourd'hui.
Entre 1964 et 1970, la sempiternelle question « Beatles ou Rolling Stones ? » est pourtant d'une actualité brûlante, les sages mélodies et le look propre des premiers contrastant parfois violemment avec les sons de guitares agressifs, les influences blues et l'attitude délibérément provocatrice des seconds. Il convient toutefois de relativiser ces différences, puisque les Beatles préfigurent le mouvement psychédélique (Sergeant Pepper's Lonely Hearts' Club Band) dès 1967 et enregistrent avec « Revolution » ce qu'il est convenu de considérer comme l'un des morceaux précurseurs du hard rock.
L'apogée de la pop britannique : le Swinging London.
Particulièrement bénéfique en termes de création artistique, cette émulation et ce « duel » (artificiel) entre deux écoles du rock suscitent en outre d'innombrables vocations, dont témoigne la scène londonienne à partir de 1965. Transformée en Swinging London (littéralement, « Londres balançant »), la capitale anglaise - qui a connu, à l'instar du sud du pays, une véritable « guerre » entre « rockers » issus du monde ouvrier et « mods » (pour « modernes ») originaires de classes sociales plus aisées jusqu'en 1964 environ - devient l'épicentre de la tendance dite « pop-rock », qui voit le triomphe populaire des Animals (In the Beginning, 1965), des Kinks (Kinda Kinks, 1965), des Who, des Pretty Things, et autres Them (Them, 1965) emmenés par Van Morrison.
Outre-Atlantique, la frénésie anglaise ouvre la voie à des formations telles que les Beach Boys (Surfin' USA, 1963), artisans de la « surf music » (musique de la côte ouest des États-Unis), ou les Byrds (Mr. Tambourine Man, 1965), créateurs, au même titre que Bob Dylan (désormais converti à l'amplification de sa musique), Crosby, Stills, Nash and Young (Déjà vu, 1970) ou Creedence Clearwater Revival (Green River, 1969) des courants folk-rock et country-rock, mêlant tradition américaine et sonorités contemporaines.
Le blues boom
Succédant à ces formations pop qui ont apporté une nouvelle dimension à l'écriture rock, le « blues boom » (littéralement « explosion blues ») britannique rend hommage, sous la houlette de John Mayall, aux figures légendaires du blues américain (de Robert Johnson à B.B King à, en passant par Albert King ou Muddy Waters). Les Yardbirds (For Your Love, 1965) de Jeff Beck et Jimmy Page (futur fondateur de Led Zeppelin), et les Bluesbreakers - Eric Clapton, Peter Green, futur fondateur de Fleetwood Mac ou encore Mick Taylor, futur membre des Rolling Stones après la mort de Brian Jones, se succèdent au poste de guitariste au sein de cette formation devenue légendaire - remettent ainsi à l'honneur des canons musicaux oubliés et pourtant fondateurs du rock.
La guitare est désormais l'instrument-roi ; Eric Clapton est surnommé God (« Dieu »), Jimi Hendrix est admiré pour ses talents d'instrumentiste virtuose, et leurs formations respectives, « les power trio » Cream (Disraeli Gears, 1967) et The Jimi Hendrix Experience, écrivent les pages les plus innovantes et influentes de la future « grammaire » musicale du hard rock. Par leurs riffs tranchants et saturés, leurs sections rythmiques martiales et leurs chants paroxystiques, les Who de Pete Townshend et Led Zeppelin contribuent également à l'émergence de cette nouvelle voie dans laquelle s'engouffrent Deep Purple (Machine Head, 1972), Judas Priest ou encore Black Sabbath (Paranoid, 1971).
La musique soul comme alternative à la « suprématie blanche »
Parallèlement, aux États-Unis, les labels Stax et Tamla Motown font de la musique soul la réponse de la communauté afro-américaine à la prise de pouvoir du rock blanc. Essentiellement fondée sur le rythme, la musique de Sam Cooke (Night Beat, 1963), des Supremes (I Hear A Symphony, 1966), des Temptations (Meet the Temptations, 1964), de James Brown (It's A Man's Man's Man's World, 1966), Otis Redding (1965), Wilson Pickett (The Exciting Wilson Pickett, 1966), Sam & Dave (Hold On, I'm Comin', 1966) et Aretha Franklin(Lady Soul, 1968) fait danser l'Amérique.
San Francisco et l'avènement de la contre culture psychèdélique
San Francisco (Californie) est quant à elle l'épicentre du mouvement hippie dont les Doors et le Jefferson Airplane (Surrealistic Pillow, 1967), The Grateful Dead (Anthem of the Sun, 1968), Frank Zappa (Freak Out !, 1966), Janis Joplin (I Got Dem Ol' Kozmic Blues Again Mama, 1969) et Jimi Hendrix sont les principales icônes. Les grands festivals de rock - Woodstock et Monterey notamment - organisés à cette époque sont l'occasion de grands rassemblements au cours desquels sont célébrées, sur fond de drogues et de contestation, les valeurs de non-violence, de fraternité et de communauté.
S'il participe d'une même démarche anticonformiste, The Velvet Underground (1967) apparaît néanmoins en marge de ce mouvement, tant du point de vue géographique que musical ; originaire de New York, proche d' Andy Warhol, le groupe appartient à la « frange » avant-gardiste de la vie culturelle de la ville et distille un rock lettré, tour à tour mélodique et expérimental. Moins « élitiste » - The Velvet Underground est en effet accueilli froidement dans un premier temps, avant de devenir un groupe référence - et plus brute, la musique interprétée par MC5 (Back in the USA, 1970) ou les Stooges (Raw Power, 1973) préfigure les déflagrations sonores, les déchirements mélodiques et les éructations vocales typiques de l'époque punk.
SUPPLEMENT...
L'article d'Encarta nous a paru devoir être quelque peu complété pour la période qui nous est chère, par quelques définitions. Nous avons choisi de le faire avec l'aide d'un ouvrage de référence que je me permets de conseiller à tous les amateurs désireux de se documenter sur le Rock et ses groupes, de l'origine aux années 2000, l'excellent Dictionnaire du Rock de Michka ASSAYAS, paru en 2000 chez Robert LAFFONT dans la collection Bouquins et le très remarquable site web : Grande-Bretagne.net
British invasion :
…Il faudra attendre la fin 1963 et le raz de marée des Beatles, pour voir renaître cette musique foudroyante d'énergie et de swing. Après la période E.Presley, le phénomène social de la Beatlemania draine à son tour la deuxième génération du rock'n'roll' avec les Rolling Stones, les Kinks puis les Who. Les jeunes rockers britanniques ramènent la musique américaine à son point de départ : c'est la British Invasion, arrivant à point nommé pour offrir l'espoir, l'énergie et l'enthousiasme à une Amérique démoralisée par l'assassinat de Kennedy, les déchirements de la ségrégation raciale et l'engagement au Viet Nam…
Skiffle :
Style musical d'inspiration folklorique qui emploie une instrumentation éclectique (planche à laver, guimbarde, etc.). Etabli aux Etats-Unis depuis les années quarante, le Skiffle, musique folklorique teintée d'une influence jazz et blues, devient vraiment populaire en Angleterre durant les années cinquante. Le skiffle a été un style déclencheur pour l'explosion de la musique populaire britannique des années 60. Par sa simplicité, il a ouvert des horizons nouveaux aux jeunes de cette époque, leur apportant l'espoir d'écrire eux-mêmes des chansons et de devenir célèbres.
Ecoutons Bill Wyman (bassiste des Stones) « …J'ai entendu Lonnie Donegan en Allemagne, en même temps que le rock'n roll. Il est directement responsable de la formation de chacun des groupes anglais dans les années 60. Dans les groupes, tout le monde a commencé par jouer du skiffle, comme les Beatles quand ils étaient encore les Quarrymen lorsque Paul McCartney a rencontré John. Mick Jagger jouait dans un groupe de skiffle avant les Stones. Moi aussi, j'avais mon groupe en Allemagne. Les Who jouaient du skiffle, et les Kinks.
...Absolument tout le monde a débuté en jouant du skiffle. Pour la simple raison qu'un batteur était superflu : on frappait en rythme la caisse de la guitare. Le chanteur n'était pas plus nécessaire car on chantait tous en chœur… C'était très facile à apprendre : trois accords et place à la musique ! Lonnie a donc influencé chacun des grands musiciens des années 60 comme Eric Clapton, Jimmy Page et Jeff Beck. On a tous commencé par le skiffle. Une énorme influence sur tous les anglais… ».
Lonnie Donegan (1954)
Ce chanteur écossais fut le propagateur du skiffle en Grande Bretagne dans les années 50. Adaptant avec énergie et spontanéité les standards du blues et du folk américain, il connut une immense popularité qui encouragea nombre de jeunes britanniques à prendre des instruments et à chanter.
Merseybeat :
Courant musical anglais apparu au début des années 60 à Liverpool (la Mersey est le fleuve qui baigne Liverpool).Globalement, c'est une musique de groupes, à plusieurs chanteurs, où le souci de la mélodie et de l'harmonie l'emportent sur celui du rythme.
Ce courant donna naissance, aux Beatles, aux Searchers, à Gerry and the Pacemakers, aux Swinging Blue Jeans…. « Ecouter du merseybeat aujourd'hui fait l'effet d'une cure de jouvence ; tel qu'il est, naïf et désuet, facile et pourtant délicat, il reste une des meilleures musiques que l'on ait jamais inventé pour être heureux.
British blues :
Dés 1962, les tournées de l'American Folk Blues en Europe font découvrir les artistes du blues américain. les musiciens britanniques découvrent le blues de Chicago.
Apparaissent alors John Mayall et les Bluesbreakers (avec Eric Clapton), l'irlandais Van Morrisson avec Them, Brian Jones et ses Rolling Stones, les Kinks des frères Davies, Eric Burdon et ses Animals, Peter Greene et son Fleetwood Mac, les Moody Blues, les Pretty Things, les Yardbirds…
Les groupes anglais vont s'approprier les blues électrique de Chicago, en faire une musique nouvelle et partir à la conquête des USA et du monde… ( la fameuse British Invasion)
Swinging London :
En avril 1966, un journaliste crée l'expression " The swinging London ", pour décrire l'effervescence qui anime alors la capitale britannique. Il observe un changement d'époque, une grande joie de vivre s'y exprimer sous toutes ses formes. Ainsi les night clubs sont en pleine expansion, ils doivent répondre à une forte demande, l'aspiration naturelle du " swinging London ", étant de mettre à la portée de tous une vie festive nocturne, sur le modèle du Saint-Germain des Prés parisien.
L'ascension du secteur de la mode est encore plus spectaculaire. Les habits fantaisistes et voyants inspirés du pop art, portés par les musiciens de rock, se retrouvent bientôt dans les boutiques londoniennes. Elles se concentrent dans l'étroite Carnaby street, pour les garçons et dans le quartier de Chelsea pour les filles.
Le swinging London a ses héros connus dans le monde entier : les créatrices de mode Mary Quant et Barbara Hulanicki, les mannequins Jean Shrimpson et Twiggy, le photographe David Bailey qui inspira le personnage du film d'Antonioni, Blow up, le coiffeur des Beatles, Vidal Sassoon, celui des Who, Robert James. Chelsea, Carnaby ou Portobello, le marché aux puces londonien, deviennent alors de hauts lieux touristiques.
Mary Quant, fut l'autre personnalité du swinging London, avec les Beatles, à être élevée par la Reine au rang de Members of the British Empire. Cette couturière de Chelsea avait inventé la mini jupe et rendu ainsi un grand service au commerce extérieur de la couronne. Le rock'n'roll des années 50 avait donné le blue-jean et le blouson aux garçons mais il avait peu apporté au vêtement féminin, ni à l'image de la femme en général. La mini-jupe marquait l'adhésion de la femme à une libération des mœurs, un domaine dont elle détenait la clé.
La tentative de mettre l'art en phase avec la société contemporaine trouva un excellent terrain d'expérimentation et de réalisation dans le Londres des années 60.
La vigoureuse activité créatrice de cette ville alors, émanait d'un milieu aux origines sociales et aux racines culturelles très diverses. Cette rencontre entre les milieux aisés et défavorisés, cette acceptation des différences fut bénéfique pour tous et pour les libertés. A la fin des années 60, une série de lois vint, en quelque sorte, officialiser les aspirations du swinging London. L'homosexualité était dépénalisée, l'avortement, la contraception autorisés, le divorce facilité, la peine de mort supprimée, la majorité passait à 18 ans, la discrimination raciale était interdite.
Les caractéristiques de cette période vont marquer durablement, voire définitivement, la musique rock. Elle apparaît clairement liée à la contestation des normes sociales et aux mouvements d'avant garde artistiques. Avec le rock du swinging London, l'art d'avant-garde devenait accessible à tous, entrait dans la vie quotidienne. Le règne de ce rock mod, pop art londonien n'aura duré que trois années, ce fut toutefois un moment déterminant de l'histoire du rock qui devenait un art et se dégageait de ses racines pour inventer un style européen.